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Bouvard et Pécuchet et le ruban de M bius. Variation mathématique sur le désirKeywords: Flaubert Gustave , Bouvard et Pécuchet , style , desire , structure , energy , non-fulfillment , Flaubert Gustave , Bouvard et Pécuchet , style , désir , structure , énergie , inassouvissement Abstract: Lorsqu’ils se rencontrent par un après-midi de dimanche dés uvré sur le désertique boulevard Bourdon, Bouvard et Pécuchet connaissent le séisme d’un coup de foudre. Complémentaires, antithétiques mais harmoniques, le veuf sans enfants et le célibataire résolvent la solitude de leurs existences dans cette providentielle rencontre qui les accouple définitivement : protagoniste bicéphale, Bouvard et Pécuchet constituent une entité insécable fonctionnant par renvois, correspondances, symétries inversées. On a beaucoup glosé sur l’homosexualité supposée des personnages. Toujours ensemble, jusqu’au plus intime de leur chambre communicante à défaut d’être commune, contraires s’attirant jusqu’à se fondre, les deux héros pourraient se perdre en eux-mêmes, tout à leur domesticité conjugale . Chacun se voit pourtant attribuer une aventure sentimentale autonome : au blagueur Bouvard, la veuve Bordin sanglée dans sa robe de soie gorge-pigeon ; au timide Pécuchet, puceau tardif et indécis, la petite bonne Mélie, qui ne tardera pas à lui transmettre la syphilis.Toutefois ces aventures comptent peu dans l’économie globale du roman. Ou plut t comptent au même titre que les innombrables expériences auxquelles se livrent les bonshommes dont le seul véritable désir semble bien être un désir de connaissance. Tels de nouveaux Frédéric Moreau dont le désir de posséder physiquement Marie Arnoux est comme résorbé – transcendé ? – dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites , Bouvard et Pécuchet semblent passés ma tres dans l’art du déplacement et de la sublimation. Rendus dans un au-delà du désir qui pourrait bien être un absolu du désir, les personnages nourrissent leur libido sciendi de la mutabilité de ses objets. Amants inconstants ou amateurs velléitaires découragés à la première difficulté – l’échec les détourne de l’objet de leur quête –, ils puisent, dans l’inassouvissement même de leur passion, une énergie renouvelée et jamais tarie. Déniant le temps qui n’émousse en rien leur vigueur, ces Dom Juan du savoir reconvertis en éternels Chérubin inaugurent, au terme de leur parcours expérimental, le mouvement perpétuel qui maintient intact leur élan.La structure si particulière de Bouvard et Pécuchet, dont la circularité parfaite est susceptible d’efflorescences mitotiques infinies, tient de la curiosité topologique. Véritable ruban de M bius du désir, le cheminement de Bouvard et Pécuchet, clos sur lui-même et pourtant proliférant, est cette dynamique protéiforme, paradoxale, progression immobile ou piétinement actif, conquérante à force d’insatisfaction
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