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Dites 33. Les huit incipit allemands de Bouvard et Pécuchet (1)Abstract: L’incipit d’un roman est un lieu stratégique primordial – et cela vaut pour le roman traduit. C’est par lui que le lecteur étranger entre dans l’univers diégétique de l’ uvre originelle, qu’il passe le seuil où se marquent les codes d’écriture et le pacte de lecture , et c’est par lui que le traducteur essaie de reconduire les promesses du titre et de l’attente. De l’incipit source, l’incipit cible hérite ainsi son importance stratégique, mais il y ajoute les enjeux propres à son activité, puisque c’est encore par lui que s’inaugure cette diglossie ambigu où la voix du traducteur continue – dans le discours autoritaire – de faire entendre sa petite musique, sa fa on bien à lui de parler la langue d’un auteur, et d’un auteur qu’il introduit non seulement dans une langue, mais parmi les livres écrits en cette langue, voire parmi ceux qui, comme lui, y furent depuis versés. L’incipit traduit étant bient t retraduit, ce premier carrefour entre auteur, lecteur et traducteur devient vite un forum où ce beau monde discute, le lieu d’une prise de position à l’égard des modèles possibles, d’un dialogue intertextuel avec d’autres débuts de romans [et d’autres traductions] avec lesquels et contre lesquels s’écrit le nouvel incipit nouvellement traduit. Ces phrases que nous détournons au profit du transfert linguistique sont tirées d’une étude génétique d’Anne Herschberg Pierrot consacrée à la célèbre phrase inaugurale de Bouvard et Pécuchet, laquelle fait aussi l’objet de cet article triparti. Mais c’est en allemand que nous écouterons ses combinaisons prosodiques et tacherons de surprendre le travail de la signifiance .
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