%0 Journal Article %T Le continent noir du d¨¦sir masculin : Colet et Flaubert, encore %A Barbara Vinken %J Flaubert : Revue Critique et G¨¦n¨¦tique %D 2010 %I Institut des Textes & Manuscrits Modernes (ITEM) %X Il y a peu d¡¯¨¦changes de lettres qui surprennent le lecteur aussi douloureusement que celui entre Louise Colet et Gustave Flaubert. Rarement, l¡¯espoir qui sommeille au fond de tout lecteur d¡¯une histoire d¡¯amour heureux fut ¨¤ ce point frustr¨¦.Les ¨¦tudes de Freud ¨C un des plus grands sceptiques en mati¨¨re d¡¯amour ¨C sur la vie sexuelle ¨¦clairent les vicissitudes du d¨¦sir amoureux masculin. Les Lettres de Flaubert ¨¤ Colet sont la mise en sc¨¨ne dramatique d¡¯un d¨¦sir qui suit les complications du sc¨¦nario f¨¦tichiste. L¡¯investissement de l¡¯objet f¨¦tiche ¨C les pantoufles, ¨¤ savoir les pantoufles dans lesquelles est enfonc¨¦ un mouchoir de Colet, tach¨¦ de sang, et dont Flaubert se sert pour se masturber ¨C n¡¯est que le sympt me le plus ¨¦vident, pour ainsi dire clinique, de cette disposition f¨¦tichiste. La masturbation, li¨¦e au f¨¦tichisme du pied et de la chaussure fut, selon ses lettres, la pratique sexuelle la plus satisfaisante pour Flaubert.Inscrit dans les pantoufles est le drame de la castration, fa on enfantine d¡¯interpr¨¦ter la diff¨¦rence sexuelle. D¡¯un c t¨¦, les pantoufles sont ce que l¡¯enfant voit avant de s¡¯apercevoir du manque du p¨¦nis maternel. Les pantoufles, f¨¦tiche on ne peut plus classique, prennent par un d¨¦placement m¨¦tonymique la place du phallus maternel, dont l¡¯absence est constat¨¦e avec horreur. C¡¯est ce manque qui fait que le gar on r¨¦alise la possibilit¨¦ de la castration. L¡¯objet f¨¦tiche est ¨¤ la fois m¨¦moire de et triomphe sur la castration. Le f¨¦tiche de Flaubert porte les marques de la castration : les taches de sang. Elles sont en m¨ºme temps t¨¦moignage de et ¨¦cran devant la blessure. Rien n¡¯excite Flaubert tant que ces pantoufles, qui sont ¨¤ la fois d¨¦ni (Verleugnung) et constat de la castration : le f¨¦tichiste, ¨¦crit Freud, ne fait pas qu¡¯adorer le f¨¦tiche. Souvent la castration est inscrite dans l'objet.Son incapacit¨¦ d¡¯aimer est formul¨¦e par Flaubert d¡¯un c t¨¦ comme pratique hygi¨¦nique ultra-machiste de la baisade ou de la foutrerie et de l¡¯autre c t¨¦ dans un discours asc¨¦tique, voire monacal, d¡¯une vie pour l¡¯Art ou, mieux, d¡¯un Art qui exige une mort ¨¤ la vie. Ces discours ne sont pourtant qu¡¯¨¦cran devant un drame d¨¦chirant, qu¡¯il ne veut revivre ¨¤ aucun prix. Car cela voudrait dire d¡¯¨ºtre tiraill¨¦ encore entre la castration et la perte de l¡¯objet amoureux, conflit qu¡¯il croit avoir r¨¦solu une fois pour toute dans ce que l¡¯on appelle traditionnellement sa crise : Flaubert est d¨¦j¨¤ chatr¨¦ et mort.C¡¯est dans l¡¯Art qu¡¯il peut ¨¤ la fois rejouer ¨C et abandonner ¨C ce qu¡¯il ne pouvait pr¨¦server dans la vie qu¡¯au prix de l¡¯amour %K Flaubert Gustave %K writting %K Colet Louise %K correspondence %K desire %K love %K sexuality %K fetishism %K death %K Flaubert Gustave %K ¨¦criture %K Colet Louise %K correspondance %K d¨¦sir %K amour %K mort %K sexualit¨¦ %K f¨¦tichisme %U http://flaubert.revues.org/968